Grenade, ma ville jumelle, ma ville d’amour, où tout reflète mon âme.
J’ai visité la maison de Garcia Lorca, j’y ai vu son bureau de travail, j’ai senti sa présence, lui dont la dépouille reste à jamais introuvable. Abattu par les franquistes, en 1936, il était le poète qui dérangeait, le résistant.
Si tu veux tout savoir de Federico Garcia Lorca tu peux aller ici.
Ce soir, je te laisse lire un poème qui ne parle pas vraiment de la guerre civile, mais que j’aime beaucoup.
« Chanson d’automne » Grenade, novembre 1918
Aujourd’hui tremble en mon cœur
Un vague frisson d’étoiles
Mais mon sentier s’évanouit
Dans l’épaisseur du brouillard.
Le jour m’a brisé les ailes,
La douleur et le regret
Ont baigné les souvenirs
A la source de l’idée.
Toutes les roses sont blanches
Aussi blanches que ma peine ;
Il n’y a que les roses blanches
Car il a neigé sur elles
Et l’arc-en-ciel s’est éteint.
Il neige aussi sur nos âmes.
La neige de l’âme a ses
Flocons de baisers, d’images
Qui s’enfouissent dans l’ombre
Ou le jour de la pensée.
La neige des roses glisse,
Celle de l’âme demeure,
Et la griffe des années
La transforme en un linceul.
Fondra-t-elle, cette neige,
Quand la mort viendra nous prendre ?
Connaîtrons-nous d’autres neiges,
D’autres roses plus parfaites ?
…
L’amour n’est-il qu’illusion ?
Qui animera nos vies,
Si la pénombre nous plonge
Dans la véritable science
Du Bien qui n’existe pas
Peut-être, et du Mal tout proche ?
...
Si l’azur n’est plus qu’un songe,
Que sera donc l’innocence ?
FEDERICO GARCIA LORCA
Je t’invite à venir voir notre Zapatera Prodigiosa en juin, et Yerma en janvier avec le théâtre de l’Enfumeraie.
Auteur dramatique, du tragique au comique, poète, Garcia Lorca courrait après la lune.
Un jour j’ai assisté à une représentation nocturne de Bodas de sangre dans l’Alhambra; Un chat a traverse la scène tandis qu’une comète est passée dans le ciel. La nature elle-même, à Grenade, salue Garcia Lorca.
On a osé toucher à Lorca en le tuant dans une fosse anonyme mais à ce crime Jean Cassou a répondu ceci :
« Toucher à Garcia Lorca, rompre cet hymne vivant, cette jeunesse et cet enivrement de rossignol, ce fut une offense atroce à tout ce qui, dans ce coin de terre, est nature, floraison et beauté. Ce fut injurier la vigne et l’olivier, l’œillet et le jasmin, frapper à mort la nuit, la lune, la mer, jeter le plus insolent défi à ces passions que le peuple porte en lui et qui lui paraissent à ce point sacrées qu’il ne peut les égaler qu’aux éléments éternels. Il ne peut plus y avoir de poésie au monde tant que ce cadavre de poète n’aura pas été vengé. »
Tous les jours l’offense est lavée en lisant Lorca.
Le dernier mot sera pour l’hommage d’Antonio Machado à Lorca :
On le vit marchant entre des fusils
Par une longue rue
Qui donnait sur la campagne froide
de l’aube, encore sous les étoiles.
Ils tuèrent Federico
Alors que pointait la lumière.
Le peloton de bourreaux
N’osa pas le regarder au visage.
Tous fermèrent les yeux ;
Ils prièrent…Dieu lui-même ne te sauverait pas…
–
Federico tomba mort
– du sang sur le front, du plomb dans les entrailles –
… C’est à Grenade que le crime eut lieu,
Vous savez – pauvre Grenade ! – dans sa Grenade !
[…]
On les vit s’éloigner…
Taillez, amis,
Dans la pierre et le rêve, à l’Alhambra,
Une tombe au poète,
Sur une fontaine, où l’eau pleure,
et, éternellement dise :
Le crime eut lieu à Grenade… dans sa Grenade !
(Traduit par G. Pillement)