Pop Philo stories

Francis Métivier réussit un exploit : te faire réfléchir et de faire rire en te parlant à la fois de philo et de pop culture. Grand écart inédit … Hum, pas tant que ça. La pop culture existe depuis un moment, Gilles Deleuze est un initiateur du concept et j’avais de profs à la fac qui étaient très fans de pop culture. Réfléchir à ce qui fait notre quotidien , ce qui le remplit ( la pop culture est partout, ce sont les chansons, les publicités, les émissions télé, les séries) est quand même un bon moyen de philosopher régulièrement. Et puis, c’est ça la philo, elle ne devrait pas être limitée à des sujets ou des auteurs d’un autre siècle, mais bien s’inscrire dans notre temps.

Le principe du livre est simple : une succession de leçons de philosophie sous forme de rencontres entre plusieurs philosophes et un « support » de discussion précis.

Lady Gaga rencontre ainsi Socrate, Kant et Schopenhauer au bord d’une improbable piscine, en été. L’occasion idéale est ménagée pour parler de la différence ou du lien entre génie et folie en art.

Ma leçon préférée est sans doute la deuxième, au sujet de l’addiction aux séries et plus particulièrement à Game of Throne : y perdons-nous notre liberté ? Ah ah ! Débat très intéressant sur la notion de plaisir subi, de l’entrave aux libertés et plus particulièrement de ce que crée la série avec le suspense et l’obligation d’aller regarder le prochain épisode !

L’ensemble est présenté majoritairement sous forme de dialogues mais présente des extraits de textes de philosophes. cela permet de le contextualiser et d’avoir les sources exactes. J’imagine très bien la possibilité d’étudier ce livre en classe !

La nourriture avec Top Chefs, les Reines du shopping et le désir, Les Gilets jaunes et la responsabilité de l’Etat … Les sujets philosophiques principaux sont décryptés à travers notre société, créant des dialogues impromptus et pourtant pertinents entre des époques bien distinctes. Il me semble même que le sommaire du livre suit le programme de Terminale.

Les idées voyagent dans le temps et prennent de nouvelles couleurs. Et puis, on rit, on rit franchement. C’est JUBILATOIRE.

Parfois aussi, on est touché, on est remué, comme avec l’essai sur la nourriture qui nous invite à réfléchir sur la nécessité de rendre esthétique, de faire d’un art un acte barbare ( tuer des animaux et les manger) , de rendre décent, social, esthétique, ce qui au final, n’est rien d’autre qu’un acte organique, un besoin primaire et primitif. Nous ne mangeons normalement que du vivant. La conscience alimentaire est un sujet perturbant, et nécessaire. C’est un des essais qui m’a le plus bouleversée, finalement. La philo n’est pas toujours une lecture confortable et nous tend le miroir.

Deux bémols cependant : l’un des essais sur la désobéissance et les FEMEN m’a semblé plus  » plat ». Et je ne suis franchement pas persuadée du sous-titre :  » la philo pour tous ». Il y a dès le départ des notions, un vocabulaire, une agilité de la pensée nécessaires à la compréhension des textes qui me poussent à penser qu’il faut avoir étudier un peu de philo pour tout comprendre et être forcément adulte, dans le sens d’être capable d’un certain détachement. Si le lecteur est trop dans la relation passionnel avec le sujet évoqué ( fan de top chef, de GOT , si tu donnerais ta vie pour ces émissions, tu vas morfler un peu !) qui n’est pas forcément l’apanage de nos adolescents. je pensais, avant lecture, le ivre plus abordable au  » grand public » et à mes petits élèves de seconde ou Première. mais je pense que pour arriver à apprécier cette lecture, il faut déjà être un penseur aguerri …

Passons outre, et réjouissons-nous toutefois : un tel livre de philo est un hapax. Ou presque; je ne connais pas d’autres cas d’essais philo  » imprimés ». Je connais des blogs et des youtubeurs, mais pas de livres  » pour de vrai » mettant en relation la philo et la pop culture, sans passer par la case vulgarité que je reprocherais à certains.

Quel bonheur !

J’ai malheureusement lu un commentaire très négatif sur ce livre récemment. Je voudrais quand même préciser que :

  • 1° Si le livre paraît poussif au lecteur, c’est sans doute qu’il ne maîtrise pas le sujet lui-même et le vocabulaire.
  • 2° Si, c’est vraiment bien écrit et drôle. mais il faut maîtriser la private joke, un peu comme les blagues qu’on se fait en prépa ou à la fac.
  • 3° Ce n’est pas un livre de vulgarisation de la philo, mais un livre sur la pop culture et la philo. Je pense vraiment que sur une réédition, il faudra supprimer le sous-titre « Philo pour tous » qui crée visiblement un malentendu et fait passer l’ouvrage pour un livre abordable, accessible à n’importe qui.

Donc, si tu t’y connais en philo et si tu aimes rire sur ton époque avec détachement, pour réfléchir BEAUCOUP et non pas consommer le livre, c’est pour toi !

Francis Métivier, Pop Philo Stories, ed. Armand Colin, 19,90 euros

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